Herculine Barbin

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« Ai-je été coupable, criminel, parce qu’une erreur grossière m’avait assigné dans le monde une place qui n’aurait pas dû être la mienne ? »

Ainsi pourrait-on résumer l’extraordinaire destin d’un être que la nature a condamné à l’anomalie la plus singulière, celle d’un état sexuel si peu affirmé qu’il peut conduire à la méprise la plus complète. Herculine Barbin fut à sa naissance déclarée fille ; elle ne l’était pas, & cette erreur de diagnostic détruira sa vie.

Élevée dans un pensionnat de jeunes filles puis institutrice elle-même, elle évolue sans cesse dans un univers dont elle se sent à la fois étrangement exclue & qui l’étourdit de ses douceurs. Amoureuse de l’une de ses pairs, elle commettra « l’irréparable » avant d’être enfin reconnue pour ce qu’elle est : un homme. Un homme que tout condamne désormais à une existence faite de désespoir & de solitude.
Herculine Barbin nous parle ainsi d’une société où le corps est banni, renvoyé à une sorte d’invisibilité, d’inexistence, qui seule peut expliquer que l’on puisse passer autant d’années au milieu de femmes sans comprendre, ou sans que l’on vous fasse comprendre, que l’on n’en est pas une.
Ce récit plein « de bruit & de fureur » nous est conté par l’intéressé lui-même sous forme de souvenirs. Mais le style de la narration comme son écriture font très vite oublier qu’il s’agit là d’une autobiographie & non d’un roman.

À qui appartient un corps ? Comment se construit une identité ? Par conscience de soi, par assignation par l’autre, par appartenance à une communauté identifiée et normée ? En quoi la question de la sexualité est-elle importante dans la construction identitaire ? Et l’est-elle toujours ? En quoi l’image du corps peut-elle déterminer la construction d’une identité sexuelle ? La fabrique d’un corps échappe-t-elle aux représentations de son temps ? Ce sont ces questions que je souhaite ouvrir avec vous aujourd’hui en partant de ce que l’on peut nommer la « fabrique médicale d’un corps normé ». 

Herculine Barbin, dite Alexina B, présenté par Michel Foucault

« Le vrai ne dépasse-t-il pas quelquefois toutes les conceptions de l’idéal, quelque exagéré qu’il puisse être ? Les métamorphoses d’Ovide ont-elles été plus loin ? » interroge Abel, alias Herculine, du profond de son désarroi.

Depuis l’époque de la puberté, des indices n’avaient cessé de jeter le trouble en son esprit sans qu’elle puisse les interpréter.

Le mystère Herculine Barbin, Hermaphrodite

«C’en était donc fait. L’état civil m’appelait à faire partie désormais de cette moitié appelé sexe fort. Moi, élevé jusqu’à l’âge de vingt et un ans dans les maisons religieuses, au milieu de compagnes timides, j’allais comme Achille laisser loin derrière moi tout un passé délicieux et entrer dans la lice, armé de ma seule faiblesse et de ma profonde inexpérience des hommes et des choses ! »