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«II»
Moi-même
(faute de mieux)
La sirène succombe à sa propre voix.

Claude Cahun, Aveux non avenus


«La vie n’est pas dans le général, mais dans le particulier ; l’art consiste à donner au particulier l’illusion du général.»

Marcel Schwob, Préface de Cœur double


EN LIRE ++++ CAS_1_NUcollectif_SEPT_2012_WEB

RÉVOLTÉ, INSOLENT ET DÉSOBÉISSANT
[ou l’échec du référentiel homme / femme]

Dans notre société, l’éducation confère aux nouveaux nés intersexués une identité orientée vers l’un des deux pôles, fille ou garçon, homme ou femme. Les enfants qui naissent hermaphrodites subissent leur vie durant des opérations, pour faire en sorte que la Nature se conforme, de force, à une vision sociale binaire du genre humain.

Classifier / Ranger / Ordonner / Omettre.

Mais ce corps différent ne peut pas se réduire à un simple objet d’observation clinique. Cet échec à se situer d’un côté ou de l’autre, crée un territoire de l’entre-deux. Il surmonte le contexte médical et interroge les limites de la condition humaine sexuée. Il s’inscrit dans le rêve d’une identité sexuelle restructurée [multiple, transitoire].

Ce corps brise non seulement les frontières entre le féminin et le masculin, mais aussi entre le mythologique et l’incarné, l’imaginaire et le palpable, le matériel et l’immatériel.

Le premier entrelacement incarné par ce corps, celui des sexes, en génère un deuxième, celui des mondes. La figure de l’hermaphrodite est multiple tant dans sa sexualité que dans les valeurs qui la traversent. Dans cet espace, le corps, source de conflits et de désirs, nous parle d’un rapport au monde qui ne cesse de chercher les limites entre la beauté et l’horreur / la monstruosité & l’humain / la légitimité & la référence.

Ce corps – support pour la création – matérialise la frontière où se côtoient intimité & communauté. Pas d’exutoire, mais une volonté de détourner, de jouer avec les stéréotypes de genre pour mieux se les approprier et proposer une esthétique / une réflexion remplie d’émotions, de sensualité & de violence engagée dans une quête absolue de liberté.

Au coeur de la réflexion, il y a la volonté de questionner, disséquer cet espace intérieur. Une nécessité de déplacer un territoire intime, vers un territoire commun. Lui donner vie & le partager via des dispositifs d’installation et de performance.

Travailler sur le transgenre, de la naissance à la découverte de son territoire intérieur, sans franchir le pas de l’affirmation, c’est se pencher sur une forme d’errance qui nous réunit tous en tant qu’ êtres humains.

A.C.

Le projet «Cas_1» #1_1
[Une exploration en chair et en matières]

Fidèle à notre identité et développant toujours notre propre théâtre visuel, il s’agira bien sûr ici encore de visions, de représentations dans ce concert – performance. Mais notre interrogation sur les images liées à l’oeuvre littéraire et photographique de Claude Cahun prend le chemin d’une exploration en chair et en matières. Excepté le travail vidéo, c’est autour du corps de l’acteur que nous avons envie de rêver.

Inventer une seconde peau, un corps- scénographie qui transforme l’identité, la trouble, la rend impossible à classifier. S’attaquer comme Claude Cahun à la libération d’un imaginaire bien plus large et différent de ce qu’un corps masculin (ou féminin) seul peut nous révéler.

Pourquoi parler d’un cas ?

Le cas renvoie directement à deux références : tout d’abord l’étude de cas clinique : comme si le sujet se présentait devant des étudiants en psychiatrie ou en médecine. Curiosité intellectuelle et jugement qui ont conduit bien souvent, pour les hermaphrodites, à des aberrations : opérations juste après la naissance non – reconnaissance de leur singularité, suicides… Dénonciation politique donc d’un état de fait qui ne fait toujours pas une vraie place à ce 3ème genre aujourd’hui.

Mais aussi l’image baroque d’une scène de cabaret de foire où la monstruosité du sujet (femme à barbe/etc), son exposition aux yeux du public – malgré leur côté cruel – fait resurgir dans le champ du théâtre les mythes et les rites. Ceux d’Hermaphrodite et de Salmacis, dans un cirque musical ; dans un oratorio électronique.

S.L

Écrire pour «Cas_1» #1_2 [Claude Cahun vs Lucille Calmel]

Le projet et la proposition de Sébastien Lenthéric et Axelle Carruzzo de réécrire ce qui a pu occuper Claude Cahun dans une relation au plateau, au vivant, touchent donc juste

En flux et/ou saccades, samples, en un mêlé de sources, registres, techniques… frottements de l’objet documentaire à l’organique (dehors dedans), par exemple vers une écriture-créature, troublée

Vers une mise en scène du dire du lire et de l’écrire (en une composition des supports : textes à lire par l’acteur à voix crue ou sous effet/interactivité (tonalité, tessiture…), texte projeté à lire par le spectateur, textes en direct ou off…), une mise en scène de la langue, multipliée, de par sa provenance (logiciels, internet et nouvelles modalités de communication dont email, lien, tchat, twit, sms, spam, réseaux sociaux ante et .02, typographie, mise en espace, graphie fixe ou vivante, pensée nodale…) et combinée avec des attouchements au son, à l’image,,, un dialogue en perpétuelle mutation, à la fois commun et personnel, dégénéré à force de genres ; une occupation connectée, objet hydre ici aussi, en peau versus costume

Reste la question du nom et/ou du pronom : je, il, elle, on, nous… et autres fusions et/ou concomitances potentielles

L.C

Nous en arrivons à nous interroger avec Lucille C. sur le processus d’écriture, dépassant les notions de transgenre, de manifeste, nous découvrons un champ de littérature où des écrivains comme Béatriz Preciado, Emmanuel Rabu, transcendent les genres pour parler de l’être.

Dépassant notre questionnement initial sur le genre sexué (le IL & le ELLE), la recherche s’articule aussi maintenant sur le dépassement des genres littéraires : l’autofiction, la poésie, le roman… ; travaillant sur la possibilité de transformer ce «je» en «un autre» – idéal, rêvé – tentative de chacun de se (re)trouver.


De Cahun à Cas_1 [Claude Cahun / repères biographiques]

25 octobre 1894 : Naissance à Nantes //
1914 : Ses premiers textes sont publiés //
1929 : Ses photographies sont publiées dans la revue Bifur //
1940 – 1944 : Participe à la résistance //
8 décembre 1954 : Décès à Jersey Univers artistique

Très intimiste, poétique et largement autobiographique, son oeuvre, en particulier photographique, est très personnelle et échappe aux tentatives de classification ou de rapprochement.

Son appartenance au mouvement surréaliste est dépassée par une inspiration très baudelairienne et la quête d’un mythe personnel. Elle ne cherche ni à provoquer, ni à « faire spectaculaire ». C’est elle-même qu’elle cherche, dans un jeu de miroirs et de métamorphoses permanent, entre fascination et répulsion dans une oeuvre en grande partie composée d’autoportraits. De son goût pour le théâtre, elle tire une véritable passion de la mise en scène, d’elle-même comme des objets. Ainsi, elle use de déguisements, de maquillage, se rase la tête et les sourcils, etc.

Elle préfigure par ses installations des photographes contemporains comme Alain Flescher ou des plasticiens comme Christian Boltanski. Son oeuvre est souvent rapprochée du travail de Cindy Sherman (mise en scène de soi, déguisement…) mais là où Sherman s’interroge sur l’image de la femme dans la société, Claude Cahun va au-delà de son statut de femme.

Son autobiographie par l’image fait une large place à l’identité sexuelle : elle aspirait à être d’un « troisième genre », indéfini, à la lisière de l’homosexualité, de la bisexualité et de l’androgynie. Lorsqu’il ne s’agit pas d’elle-même, elle tourne l’objectif vers ses partenaires féminins et masculins pour de tendres portraits : Suzanne Malherbe, Sylvia Beach, Henri Michaux, Robert Desnos.

Claude Cahun construit une oeuvre discrète et sensible, peu connue de son temps. Ses poèmes visuels (Le Coeur de Pic, Aveux non avenus) constituent un travail très original, unique en son genre, dont la diffusion fut très restreinte. Il faut attendre les travaux de Man Ray, qu’elle connaissait, et surtout de Bellmer pour que ce type d’ouvrage rencontre le public. Elle n’est véritablement reconnue qu’à partir de 1992.

C’est en partie volontairement que Claude Cahun s’est tenue à l’écart tout en participant activement à des actions pour l’émancipation des moeurs, pour le progrès social ou la lutte anti-nazie. Son parcours artistique était surtout son précieux jardin secret qu’elle revendiquait comme son « aventure invisible ». Toutefois, une partie non négligeable de son oeuvre a été perdue, notamment à la suite de son arrestation sur l’île de Jersey par la Gestapo en 1944.

«alex & axel», 2011 © a.carruzzo

Auto portrait // Claude Cahun, 1928

Dédale de mots / Texte en construction

Je reviens de loin

J’ai le droit d’en parler
je l’ai échappé belle
Plus d’une fois
M’étant dès le départ connue indésirable et préférée mort née

j’ai pu sortir de la voie qui m’était tracée
Il me reste mon ombre
Je n’en ai pas peur je n’ai pas perdu la mémoire

Les rêves sont les miroirs de la réalité
la passerelle, le tremplin pour l’action

A l’écrit confettis de signes contradictoires
nous sommes et je suis

voilà,

nous sommes un à parler un en multiple,s – développer – je donne à vivre en un
multiplié, en donne/vecteur ,matériau soi, sus pension – marche / il dit je ne vibre
à rien – je suis en dehors de mon corps –

nous sommes et je suis sont deux neutres – neutre : «brouiller les cartes .
Masculin ? Féminin ?
Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours »

je suis en dehors de mon corps

je suis un produit
je suis un produit de la médecine

Toucher ce qui me pense, l’idée traverse se fait , comme si à l’approche le tout
s’efface trou noir l’origine du rien du tout en cas d’ennui aller par là…

à la main , sans cesse, le vent,

_________________________________________to lose control me perdre…

donc les fêlures les apnées , les failles fêlures la tangue terre tremblée,
laisser l’en commun puisque la chair à un moment s’est mêlée de

intercepter accepter

votre enfant ne ressemble à rien

utopie de l’entrer sortir faire avec au moment où, de l’organique, à contre, le
contre, je ne sais pas, je ne suis pas persuadée de ce geste -là, ou le contre un
corps corps à corps, attends , c’est trouble,

aspects varia bles entre le rose et le bleu –

je suis un enfant

___________________________________________je suis un enfant sidérant