Auteur·e·s

LUCILLE CALMEL | VINCENT DORP | ORION SCOHY | ISABELLE SORENTE

ORION SCOHY


2016-17 | Écritures de plateau : « Kosmogong », « Genesis », « Au lac étale »pour « A FEW SECONDS AFTER DARKNESS »
2015-14 | Écritures de plateau : « Œ » pour « CAS_1 »


Né en 1974, vit à Sommières (Gard) depuis 2009.

Extrait d’entretien entre Laure Limongi pour La Revue Littéraire (bis) Léo Scheer édition & Orion Scohy

L.L. : Ton écriture met en place un jeu permanent sur les lieux communs et autres topoï littéraires, de façon assez agressive, parfois, quant au ronron narratif classique. Peut-on dire – en tant que non-philosophe – que tu construis une espèce de dialectique romanesque : élaboration d’un roman + déconstruction de ce même roman = roman d’Orion Scohy ? Quel est ton rapport à cette forme romanesque au sein de laquelle tu développes tes livres ?

O.S. : Tu as raison mais, en fait, cette question de dialectique ne m’est pas propre : elle est propre au roman. Car si l’on considère, à juste titre, que le roman moderne est né avec Rabelais et Cervantès, on peut voir que, dès le début, sa déconstruction est corrélative à son élaboration. C’est-à-dire que la simple narration en prose d’une histoire ne suffit pas à faire un roman : par nature, celui-ci comporte sa propre critique, il se met lui-même en abyme, interroge son artificialité, met l’ironie – le questionnement – en avant, il ne reste pas en place. C’est bien après son apparition que les codes se sont figés, qu’on a voulu faire croire au lecteur que l’objet d’art complexe qu’il avait entre les mains n’était qu’un simple générateur de catharsis. L’émotion directe, le divertissement, l’identification aux personnages ou le bovarysme sont devenus les maîtres mots. Les traîtres mots, plutôt. Bien sûr, les exceptions sont nombreuses, mais c’est tout de même la tendance générale qui se dégage depuis le XIXe siècle (pourtant même Balzac, l’inventeur du fameux « roman balzacien » qui continue de constituer le modèle actuel, n’était pas dépourvu d’ironie et d’inventivité). Pour moi, le roman est par nature polymorphe, mouvant, et donc expérimental. Si j’opte pour la matière romanesque plutôt que pour la poésie, c’est peut-être parce que, comme tout le monde, j’aime aussi me laisser conter des histoires, j’aime être diverti, m’identifier aux personnages, j’aime ce pacte de lecture qui repose sur le mensonge – à condition justement de laisser au lecteur la possibilité de prendre la distance, de lui laisser déceler les ficelles ou du moins des bouts de ficelle, de dévoiler de temps à autre des facettes de l’artifice, de ne pas lui faire prendre des vessies pour des lanternes et la fiction pour un quelconque défouloir émotionnel ou placebo artistico-psychique. La narration, quand elle est dotée de cette conscience et de cette réflexivité-là, peut alors devenir un formidable outil de subversion. J’ai toujours du mal à comprendre pourquoi après Flaubert, Nabokov, le Nouveau Roman, l’Oulipo, Queneau et tous les autres, la norme romanesque reste celle que l’on nous inflige. Mais d’aucuns me rétorqueront : « C’est normal, Raymond. »

ROMANS
2005 : volume, P.O.L
2008 : Norma Ramón, P.O.L
2012 : En Tarzizanie, P.O.L

REVUES & AUTRES
If, BoXon, Écrivains en série, édition Léo Scheer
Squeeze, Le Chant du monstre, Gaité-lyrique.net

LECTURES/PERFORMANCES
2005 : CCN, Montpellier
2006 et 2012 : Montevideo, Marseille
2012 : MAMCO, Genève
2013 et 2014 : La Panacée, Montpellier
2014 : La Gaîté-Lyrique, Paris

Prix Jeune Mousquetaire du premier roman 2006 pour Volume (P.O.L, 2005)

Extrait de ”Œ“

Il est fabuleux que, sur la prononciation du titre déjà, on ne soit pas parvenu à s’accorder.
Orion Scohy, Œ

on ne me définit pas non
on ne me ne me finit
on ne me dé-fi-fi
on ne me défie pas non
on me défait
on me dé-défigure si
je ne me donne pas un genre non
rendez-le-moi oui
s’il vous plaît j’en veux pas non
on ne m’indéfinit pas non plus
on ne me ne me dit me
on ne me dit pas non, si,
on ne me finit pas non plus, oui,
on dit non on dit, on dit pas de on,
on n’en finit pas, ni,
on n’en fi n’en finit pas non
on ne renie ni ne rit pourtant si
de l’ironie mais non
du question-ne-nœud-ment voui
on n’a rien dit non
je suis fini mais pas fini, ni,
donc on n’en dit rien mais
ni non ni non
j’ai dit non/oui t’as pas compris
j’ai dit ni oui ni oui
on ne me définit pas non
n’me dit pas « lui »
n’m’appelle pas « elle »
je vous le rends bien, genre,je vous le rends oui
on m’infini-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-nini-ni–ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-ni-
ne me niez pas non
j’ai dit non s’il vous plaît, oui
j’ai dit j’ai dit oui/non.
Merci

«PROPOS EXCÉDENTAIRE»

Dans l’eau trouble de ton cœur béant
Dans les noeuds de ta queue sans âge
Dans l’océan de ton cul terreux
Dans le trou bleu de ton con cyan
Sous la dent molle du cartilage
Dans le trop-plein de ton corps nu
Dans le trop peu de ton corps sage
Dans le trou bleu de ton con
(si, scie…)

bbbbbbbbbbbbbbsciemment.

 

LUCILLE CALMEL | Chercheuse d’écritures vivantes & Performeuse


2012-13 | Écritures de plateau : Introduction à « CAS_1 »


Née en 1969 en France et résidant en Belgique depuis plus d’une douzaine d’années, disposant d’un Arrêté du Gouvernement de la Communauté française portant reconnaissance en tant qu’artiste depuis 2010, Lucille Calmel est performeuse, metteuse en scène, autrice, artiste numérique, pédagogue et curatrice.

Elle vit à Montpellier où elle initie Les Trifides, un collectif de performeuses de 1990 à 1995, puis dirige pendant dix ans avec Mathias Beyler la compagnie théâtrale expérimentale myrtilles ainsi que .lacooperative, un lieu de recherche et de résidence transdisciplinaire. Depuis son arrivée à Bruxelles en 2005, elle développe des collaborations, recherches et programmations en chair et/ou en ligne autour de la performance, de la poésie sonore et
visuelle, des musiques expérimentales et des scènes numériques.

Ses projets actuels portent sur ne recherche autour de la performance avec ou pour des animaux et de la communication inter-espèces, sur la création d’une installation axée sur des narrations alternatives par reconnaissance à partir de milliers de captures d’écran d’environ 250 séries TV recueillies depuis dix ans, sur la publication de when I’m bad, une monographie de ses oeuvres et performances numériques, et sur des laboratoires ASMR/performance. Ses créations ont dernièrement été soutenues par le Fonds National de recherche Scientifique /FRArt, le service des arts visuels et le secteur des Arts Numériques de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la SCAM, Wallonie-Bruxelles International, le Centre des Arts Scéniques, Wallonie Bruxelles Théâtre/Danse, « Villa Médicis Hors les Murs » Institut français, la Commission des Aides aux Projets Théâtraux et la promotion des Lettres de la Communauté française de Belgique.

Depuis 1990, son travail, en solo ou en collaboration, est accueilli dans de nombreux lieux et festivals : Bozar/SACD, festival de performance Trouble, iMAL, Cimatics, transnumériques, Nuit Blanche, Voix de femmes, festival international de poésie Krikri, Passaporta, Marathon des Mots, Pink Screens, Théâtre Les Tanneurs (où elle crée auborddugouffre d’après David Wojnarowicz en 2011), bains::connective, La Bellone, Halles de Schaerbeek, recyclart, Aprem/Fabrique de théâtre, Centre d’Art Contemporain du Luxembourg Belge, Centre des Écritures Contemporaines et Numériques, centres culturels de Forest, d’Huy… (BE) – Chercher le texte /Centre Pompidou, galerie Public >, Jerk off, La Gaîté Lyrique, Paris-Villette, Société des Gens de Lettres, Instants Chavirés, PixelAche, Maison Populaire de Montreuil, La Panacée centre d’art contemporain, Centre Dramatique National de Montpellier, panoplie.org, Accès(s), Montevideo, ActOral /CIPM, Villa Arson, le Dojo, le 102, Databaz, le Lavoir Public, Musique Action, CNES La Chartreuse, Gamerz, CCI Cerisy (FR) – National Museum of Contemporary Art (Bucarest) – Dis-Patch (Belgrade) – Pixxelpoint (Nova Gorica) – On the edge (Université de Hull-Scarborough) – (re)ACTOR (Université Queen Mary, Londres) – Summer University of Performing Arts, VideoVortex (Malte) – Roaratorio, Mapping, l’Usine (Genève) – Casino Luxembourg Forum d’art contemporain – Contemporary Art Museum Webbiennal (Istanbul) – Goethe Institut /NRW-Forum /Slow media Institute (Allemagne) – miscelanea, The Rincon Pio Sound, centro Negra, Puertas de Castilla (où elle est invitée en 2015 pour une rétrospective) (ES) – Flux Factory, Elsewhere, Eyedrum (USA) – réserve Mmabolela, Beaux-Arts de l’Université de Wits (Afrique du Sud), spamm.fr, thewrong.org… et de multiples espaces et événements alternatifs et en ligne.

Lucille Calmel est également invitée à publier son travail en ligne, dans des livres, revues ou sur des supports sonores Actes du colloque “Art, littérature et réseaux” CCI Cerisy, Ed. Léo Scheerère, ONLIT, la trame, BELA, SACD/SCAM, ressources, Scènes, MCD, vidéoformes, SILLO, Poptronics, Kluger Hans, Three Rooms Press NYC…, Atelier Sonore de Création radiophonique, La Station Mir – La poésie/nuit, DOC(K)S…

Elle collabore à des oeuvres et des recherches avec des curateurs Anne Roquigny, Bram Crevits, Emmanuel Guez, Marika Dermineur, Stéphanie Vidal… des artistes Albertine meunier, Annie Abrahams, Carole Douillard, Chantal Yzermans, Christine Saulut, Christophe Alix, Enna Chaton, Gaëtan Rusquet, Germana Civera, Inga Huld Hákonardóttir, Jen Debauche, Khristine Gillard, Mathias Beyler, Mathias Varenne, Muriel Piqué, Nicolas Maigret, NU collectif, Pascale Barret, Philippe Boisnard, U-structureNouvelle, Valentine Siboni… des éditeurs, écrivains et poètes Antoine Boute, Christophe Fiat, Eduard Escoffet, Emmanuel Rabu, Emy Chauveau, Joël Hubaut, Laure Limongi, Maja Jantar, Michael Glück, Mylène Lauzon, Sebastian Dicenaire, Vincent Tholomé… des artistes sonores absinthe (provisoire), Arnaud Paquotte, Charlotte Benedettini, f.a.g.s., Frau Picha, Guillaume Allory, Hugues Warin, Jean-François Blanquet, Joachim Montessuis, Laure Chaminas, Ludovic Pré, mimetic, Mohamed Dali quartet, phil von, Prairie aka Marc Jacobs, Philippe Boisnard, Philippe Gordiani, servovalve, syl-n, Sylvain Chauveau, Thierry Coduys, thirtytwobit, totenfest, Yannick Franck…

Artiste-enseignante-chercheuse au sein de PAMAL Preservation & Art – Media Archaeology Lab de 2014 à 2016, elle initie par ailleurs des laboratoires dont avec des filles (terrain de jeu web/scène) à la Bellone, à domicile, Bancs publics à Marseille, L’aire à Montpellier, et Soft Screens Soft Skins Soft, un laboratoire ASMR/performance à video vortex #12 à Malte en septembre 2019.

Comme programmatrice/commissaire, elle développe des événements et expositions axés autour des musiques expérimentales & de la poésie sonore recyclart /festival Het beschrijf, festival radiophonic /Brigittines, AB Salon, .lacooperative, Oktobre Centre Dramatique National Montpellier, Les Etats du Rock, émissions radiophoniques… de l’écriture vivante Nuit blanche Bruxelles de la jeune création belge en arts visuels/numériques/performance festival international de cinéma IBAFF, centre Puertas de Castilla à Murcia, Ladybug/Jerk Off Paris septembre 2019.

En tant que chargée ou assistante de production, elle travaille pour when i’m good i’m very good but when i’m bad i’m better depuis 2005, recyclart en 2007, Carole Douillard en 2018, le festival international de performance Trouble en 2019. Lucille Calmel est, entre autres, membre de SALOON, un réseau européen de femmes du monde de l’art et de Fair_Play, un réseau de femmes dans la création sonore.

Elle enseigne l’installation-performance à l’École de recherche Graphique (ERG) à partir de 2019, performance & pratiques scéniques à l’école supérieure d’art d’Avignon de 2013 à 2015 de la première année au DSRA, en master à l’école nationale supérieure des arts visuels La Cambre de 2011 à 2019, pour le certificat d’université en genre et sexualité à l’ULB en 2019 et 2020 ; la médiation culturelle à l’Université Paris-Est Marne-La-Vallée en 2017 et 2018 ; l’option théâtre au Lycée Bellevue à Alès de 2001 à 2005.

Elle est invitée à des jurys, séminaires, conférences et workshops en universités et écoles d’art ISELP, ERG, INSAS, ESA Le 75, ENSAV La Cambre (Arts numériques, Dessin), ARTS2 Mons, Beaux-Arts d’Arlon, Université Paris 8, Université Technologique de Compiègne, CIREN (recherche Esthétique des Nouveaux Médias / Laboratoire Arts des images et art contemporain), Beaux-Arts de Murcia (ES), Université de Hull-Scarborough, Royal College of Art à Londres.
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http://vimeo.com/lucillecalmel

ISABELLE SORENTE


2014-15 | Texte « Quelqu’un cherche” pour « CAS_1”


« Nous sommes tous quelqu’un. Nous sommes tous en route vers un centre qui se dérobe. Quelqu’un : Précipitation de tous les possibles en un instant de solitude. »

Passionnée par les mathématiques, elle s’oriente d’abord vers des études scientifiques. Reçue major aux Mines de Paris, elle choisit finalement d’entrer à Polytechnique, puis dans le Corps de l’aviation civile, où elle passera son brevet de pilote privé, et s’essaiera à la voltige aérienne. Elle suit en parallèle des cours de théâtre, notamment au Lucernaire et au cours Florent, où elle écrit et monte ses premières pièces. Le succès rencontré en 2001 par son premier roman, L, consacré au thème de l’addiction et à l’infantilisation des femmes dans une société conformiste, va la tourner définitivement vers l’écriture. Les thèmes de la métamorphose et de l’inassouvissement, la difficulté d’une quête spirituelle dans une société entièrement tournée vers la performance, sont omniprésents dans ses livres. Son dernier roman 180 jours (J.C. Lattès, 2013)1, nous entraîne à l’intérieur d’un élevage industriel, où des liens tragiques se nouent entre les hommes et les bêtes. Écrits dans un style précis et poétique, ses romans traitent de la cruauté des phénomènes contemporains comme l’addiction dans L, le racisme dans La Prière de septembre, exposent des personnages confrontés au désir sans fin (Le Cœur de l’ogre), aux limites de la raison (Panique), ou à leur propre pouvoir de métamorphose (Transformations d’une femme).

Ses essais, comme ses pièces, explorent quant à eux les perversions de la rationalité, et la nécessité d’un entraînement permanent de l’esprit à la liberté. Paru en février 2011, son essai Addiction Générale analyse notre dépendance aux chiffres, à la preuve et à la productivité, et ses conséquences sur l’environnement social et naturel, en se fondant sur le paradigme de l’addiction. A la logique linéaire, compulsive, du calcul permanent, Isabelle Sorente oppose la valeur rationnelle et créatrice de la compassion, entendue comme magie sympathique plutôt que valeur religieuse. Dans son essai La femme qui rit (Descartes & Cie, 2007), Isabelle Sorente livre une vision théâtrale et charnelle de la réflexion sur le genre (gender studies), thèmes repris et développés dans son essai Etat Sauvage (Indigène Editions, 2012), où le féminin apparaît comme un entraînement radical à la liberté.

Sa pièce Hard Copy, comédie noire sur le thème du harcèlement en entreprise, a été jouée à Bruxelles et à Paris en 2009, au théâtre du Lucernaire.En 2008, Isabelle Sorente a fondé la revue RAVAGES, avec Frédéric Joignot et Georges Marbeck. Elle fait aussi partie des fondateurs du magazine Blast.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE | Romans
2002 : L, J’ai Lu (Flammarion)
2003 : La prière de septembre, éditions J.C. Lattès
2004 : Le cœur de l’ogre, éditions J.C. Lattès
2006 : Panique, édition Grasset
2009 : Transformations d’une femme, édition Grasset
2013 : 180 jours, éditions J.C. Lattès

ESSAIS
2007 : La femme qui rit (le marché noir de la réalité), éditions Descartes & Cie
2011 : Addiction Générale, éditions J.C. Lattès
2012 : Etat sauvage, Indigène éditions

THÉÂTRE
2002 : hard Copy, éditions Actes Sud 2004 : Gilles de Rais, éditions J.C. Lattès

Extrait “JE SUIS UNE CRÉATURE”

Je ne suis pas une femme quand je jouis. Je suis une tempête de nerf et de météorites, de cheveux dressés sur la tête, de la sueur, un ventre qui tremble, un cœur qui bat, une tête qui fantasme. Le corps n’éprouve pas le genre de la jouissance. Et les magazines ont beau nous parler de jouissances féminine et masculine, le ventre, les mains, la bouche se moquent des concepts.

Bien sûr, mon ventre n’est pas celui d’un mâle. Il est amas de nerfs, clitoris, vagin, disposition propre à la femelle. Mais où se situe exactement mon sexe? Où commence t-il?

À l’intérieur des cuisses ? A la plante des pieds ? Au clitoris ? Au bas ventre ? À l’arrière de la nuque ? Passe-t-elle par la colonne vertébrale, la jouissance ?? La peau, les lèvres, les cuisses, les seins, les fesses, les yeux, la parole, les oreilles, le cerveau lui sont-ils étrangers ?

Quel est le genre d’un œil ? Quelle est le genre d’une langue, d’une dent, d’une peau ? Que celui dont la jouissance ignore la vue et la peau, le goût, le toucher et l’odorat, que celui-là me dise ce qu’est le genre.

Je ne suis ni homosexuelle ni bisexuelle ni hétérosexuelle, je suis un humain sexué en interdanse avec d’autres humains, sexués. Je suis un humain sexué aimant d’autres humains sexués, et leur façon singulières de jouir et de faire jouir. Je rend grâce aux différences physique, comme à autant de témoignages amoraux de la diversité humaine.

Il n’est pas question de nier la singularité ; il est impossible de la réduire au genre. Le genre n’est qu’un travestissement qu’on prend et puis qu’on abandonne, un archétype surgi au cœur de la jouissance, qui nous traverse, nous fait jouir et nous quitte.

Avant d’être remplacé par un autre. Le genre, comme les émotions, n’est qu’un élément météorologique de mon climat humain. Pour les maîtres zen, jouir de son humanité signifie ne pas se confondre avec la tristesse quand on est triste, ne pas se prendre pour la joie quand on est enthousiaste, ne pas se prendre pour Dionysos quand on est ivre.

Que la femme me traverse, l’homme ou le léopard, je demeure travesti, ciel changeant. Femme est un nom de jouissance, demain il sera homme, océan ou montagne. Une main s’ouvre, l’autre griffe. Tout se déplace vite, à grandes enjambées le genre change, j’ai des chevilles de proie et des nerfs de chasseur.

Je ne suis pas femme, je ne deviendrai pas homme. Je suis une créature.

La créature parfois se travestit en femme. Oui j’aime les talons aiguilles et toutes ces chaussures qu’on ne met pas pour marcher, oui je peux glousser aux bonnes blagues d’un homme, et croire que je glousse et qu’il est un garçon. Oui je sais me perdre pour demander ma route à l’inconnu qui passe, et croire que je bande pour son sens de l’orientation. Oui je veut qu’il soit macho, qu’il me frappe s’il veut quand viendra le moment.

Bien sur je peux suivre les fesses dures d’un garçon, si la journée est chaude et le jean serré, et me promettre que lui, je vais le faire gueuler et qu’il serra ma femme. Bien sûr une fille peut me tordre. Surtout si elle est maquillée. Toutes les créatures le savent, le genre est fait pour jouir et jouer.

 

VINCENT DORP


« A FEW SECONDS AFTER DARKNESS » [ After’s ∞ Begin again] — ÉPILOGUE  — 2017


en cours de rédaction…