ESPACES VIVANTS — Résidence #7

Catégories résidence

SEPTIÈME ZONE DE CRÉATION CONTINUE ET PERMANENTE

THÉÂTRE LE PÉRISCOPE
Scène conventionnée d’intérêt national Art & Création – Arts de la Marionnette | Nîmes

Du 03 au 07 juillet


Ouverture(S) — SPECT-ACTEURS :  Performance participative le Jeudi 6 juillet

SOPHIE BARRERE | Docteur en psychanalyse et esthétique

LE JE(U) DU REGARD POUR LE SPECT-ACTEUR

Il est en premier lieu intéressant de noter, que dans cet espace d’expérimentation du positionnement spect- acteur, nous avions pour consigne de fermer les yeux.

Je l’ai pour ma part interprété comme une mesure introductive permettant d’effectuer quelques premiers gestes les yeux fermés afin de dissoudre l’effrayant indéterminé du trop vaste champ des possibles dans une intimidité restreinte, j’ai par la suite ouvert les yeux afin d’être parti prenante de ce jeu.

Certains ont choisi de garder les yeux fermés, souhaitant échapper à l’angoisse scopique de se surprendre regardé, happé par l’Autre surmoïque au regard mortifère, la très célèbre Méduse.

Car ouvrir les yeux, c’est se rendre acteur, voyant l’Autre me regarder. Celui qui se sait regardé, entre dans le jeu de la demande d’amour adressée à l’Autre, l’espionne pour anticiper son désir et y répondre. Il se donne à voir pour mieux le tromper et construit ainsi son image dans le désir qu’il croit percevoir chez l’autre.

Dans le même temps, il pose sur l’autre un regard de spectateur qui nous permet de décrire la pulsion scopique. Dans le regard porté sur l’autre, la jouissance du savoir / ça-voir (avec intervention de l’inconscient), pointe en tant que volonté de puissance de comprendre l’autre. Comprendre comme prendre avec soi, dans une démarche de réduction qui n’a rien d’empathique. Comprendre n’est pas rencontrer l’autre, c’est le prendre avec soi, à partir du sens qu’on lui accorde. C’est le figer, fixer dans une signification (qui n’est valable que pour soi à un instant donné). Cette pulsion scopique du ça voir dans le regard est une pulsion mortifère de réduction de l’autre au statut de l’objet.

Inévitablement cette pulsion scopique en jeu dans le regard achoppe, et maintient le sujet en position de désir comme tel objet petit a cher à Lacan.

Dans ce trajet du regard nous voyons se dessiner une ronde entre captation achoppement et relance, à l’image d’un satellite qui lorsqu’il s’approche trop près de son objet dérive de sa trajectoire et repart avec une vitesse accrue en le frôlant sans le saisir dans une folle ellipse gravitationnelle. Lacan décrit cet objet a : « On sait à quoi il sert, de s’envelopper de la pulsion par quoi chacun se vise au cœur et n’y atteint que d’un tir qui le rate. »

Si cette pulsion arrivait à capturer son objet, nous serions la figure d’Œdipe qui d’en trop savoir s’est crevé les yeux. Mais la figure qui nous renseigne le plus sur le risque pris à entrer dans ce jeu de regard est Méduse. Gorgone dont le visage est entouré de cheveux serpents, pétrifie tout humain qui croise son regard. Persée est celui qui (à l’aide de nombreux artifices) parviendra à lui trancher la tête, en détournant son regard et en lui renvoyant le sien dans le reflet de son bouclier.

Ce face à face avec Méduse pétrifie, provoque une fascination, une inséparabilité, une emprise où le voyeur ne peut plus se détacher de son propre regard investi et comme envahit par celui de la figure qui lui fait face. Le regard implique donc une captation par le regard de l’Autre. C’est la lecture que Winnicott porte sur l’oeuvre picturale de Francis Bacon. Dans le regard de la mère, l’enfant se regarde être vu, embrassé dans une totalité, où il peut faire entrer ses émois. Or l’image que nous restitue bacon est celle qu’il voit dans le regard de sa mère porté sur lui, celle d’un être en torsion. C’est la construction du positionnement subjectif en tant que l’image de soi dépend de l’image de l’autre, mais aussi de l’image que l’on interprète que l’autre a de nous.

Dans le face à face avec Méduse, le regard se voit lui-même, point d’insaisissable, en tant qu’objet a, enjeu du positionnement subjectif. C’est de cet effroi que Méduse nous protège, dans sa fonction de garder la porte des enfers. Dans la suite du récit mythique la tête de méduse sertie sur le bouclier d’Athéna permettra de contrôler ce pouvoir sauvage.

« Tout tableau est une tête de méduse. On peut vaincre la terreur par l’image de la terreur. Tout peintre est Persée. »

Voici une lecture de l’articulation dans le regard, objet a, pulsionnel. De l’aspect mortifère de la jouissance à la limite salvatrice de la coupure. De la représentation, qui invite à :

« déposer là son regard, comme on dépose les armes. »

Cette expérience du regard dans la position subjective de spect-acteur vient nous confirmer dans notre propre manque de savoir, notre manque à être, en tant que le manque de savoir est constitutif du désir qui l’anime.

« L’objet a est quelque chose dont le sujet, pour se constituer, s’est séparé comme organe. Ça vaut comme symbole du manque. »

L’éphémère de cette ronde lors des espaces-vivants, dans son défaut d’accomplissement maintient ouvert cette articulation du désir, désir d’être, ou de l’avoir…à voir.

Une mise en abime supplémentaire de cette saisie du regard serait d’en livrer une lecture au regard de ce qu’on le sait problématique dans les troubles du spectre de l’autisme.

STRUCTURES IMPLIQUÉES :
Association Hubert-Pascal – Foyer d’accueil et de promotion et la Maison Kétanou, structures d’accueil de jour à Nîmes – Gard, Tentative – Lieu de vie et d’accueil médico-social à St Hippolyte du Fort – Gard, La Bulle Bleue, E.S.A.T Artistique Montpellier – ADPEP34, Les Ateliers Kennedy, E.S.A.T Montpellier – ADPEP34

ÉQUIPE «AURTISTIQUE»
Leri, participant.e autonome ; Léa, Thomas, Romain accompagnés de Céline et Elsa du LVA Tentative ; David, Benjamin, Axel, Anthony, Noé accompagnés de Nicolas Broumse – Association Hubert-Pascal et la Maison Kétanou ; Anthony, Sébastien, Mélaine, Maeva, Lois et Lucille accompagnante pour LBB et les Ateliers Kennedy ; Cilio Minella (performeur) ; Mathias Beyler (Constructeur sonore), Julia Leredde (Danseuse), Axelle Carruzzo (Metteure en Scène), Aurélie Piau (Plasticienne), Bertrand Wolff (Compositeur et Musicien), Damien Ravnich (Batteur) — Nos Urgences Collectif

GRANDS TÉMOINS
Rolande le Gal (Chargée des relations avec le public – Théâtre des 13 Vents CDN de Montpellier) ; Bernard Salignon (Dr d’État en Philosophie, coresponsable du D.E.A. d’Éthique et d’Esthétique à l’Université Paul Valéry de Montpellier) ; Jean Cagnard (Écrivain) ; Sophie Barrere (Docteur en esthétique et psychanalyse et Présidente de l’Association l’Expression est Multiple – Montagnac) ; Clémence Galtier (Etudiante Master 1 -Université Paul-Valery Montpellier III) ; Romane Dalmau (Etudiante ETS à l’IRTS de Montpellier), Hugues Desbrousses (Designer et enseignant à l’Université de Nîmes), Alain Feral (Musicien) ; Damien Oliveres (Réalisateur – Chuck Production)

POUR LEUR CONFIANCE ET LEUR ACCUEIL
Merci à toute l’équipe du Théâtre Le Périscope :
Maud Paschal – Direction • Aurore Gaglione – Médiation auprès des habitants • Liliana Bollini – Administration • Victoria Moulin – Relations avec les publics • Romain Tron – Régie • Isabelle Costa de Matos – Entretien

Mercie à toute les participant.e.s de l’Association Hubert Pascal Foyer d’accueil et de promotion à Nîmes, de Tentative L.V.A à Saint Hippolyte du fort, de La Bulle Bleue E.S.A.T artistique et des Ateliers Kennedy E.S.A.T à Montpellier.