ZONE 1

STRUCTURES IMPLIQUÉES : La Bulle Bleue, E.S.A.T et Les Ateliers Kennedy, E.S.A.T Montpellier – ADPEP34, Tentative, Lieu de vie et d’accueil médico-social à St Hippolyte du Fort – Gard

ÉQUIPE «AURTISTIQUE» : Léa, Romain,Thomas, accompagnés par 2 responsables de Tentative | Mélaine, Marie, Anthony, Aurélie accompagnés par 1 responsable des Ateliers Kennedy | Valentin lycéen avec TSA en stage «Régie» à La Bulle Bleue | Mathias Beyler (Constructeur sonore), Axelle Carruzzo (MetteurE en Scène), Cyril Laucournet (Vidéaste), Bertrand Wolff (Compositeur et musicien), Leonardo Montecchia (Chorégraphe), Aurélie Piau (Plasticienne) — Nos Urgences Collectif.

GRANDS TÉMOINS : Jean Cagnard (Écrivain), Ernst Betrug (Auteur), Cécile Martin-Beyler (Psychologue Clinicienne), Isabelle Furst (comédienne).

Pour leur confiance et leur engagement dès le début de cette aventure, merci à Delphine Maurel (Directrice) et François Pontailler (Responsable Cie et programmation) La Bulle Bleue E.S.A.T MONTPELLIER.



PREMIÈRE ZONE DE CRÉATION CONTINUE ET PERMANENTE
La Bulle Bleue E.S.A.T Artistique, culturel, solidaire et singulier à Montpellier
Du 29 novembre au 3 décembre 2021

Visualiser le bilan complet : Bilan EspacesVivants Fev-Dec-2021

“A mon arrivée, je n’ai pas pu distinguer qui était qui : autistes, artistes, éducateurs, témoins, tous faisaient tribu.”— Maman de Thomas, habitant du LVA Tentative


RETOUR DE CYRIL NEYRAT | POUR LA COORDINATION DU LVA TENTATIVE

Sur les 7 personnes avec TSA accueillies au sein du Lieu de vie et d’accueil Tentative, 3 ont participé à la première session du projet Espaces Vivants : Léa, Romain et Thomas. Nous avons fait ce choix pour deux raisons. D’abord parce que nous pensions que ces trois personnes étaient les plus à même de profiter de l’expérience, d’y trouver leur place. Ensuite parce qu’il nous a semblé, pour cette première session, que mener l’expérience de manière continue et approfondie avec les trois mêmes personnes était la bonne manière de tester ses hypothèses, de mesurer sa fécondité. Le résultat fut très satisfaisant et riche d’enseignements.

Première satisfaction : le plaisir pris par Léa, Romain et Thomas, leur bien-être manifeste pendant ces cinq journées dont nous pouvions redouter le caractère trop dépaysant, fatigant car trop riche en stimuli et impressions nouvelles pour de jeunes personnes avec TSA habitués à une vie relativement ritualisée dans un environnement familier. Or, ils étaient tous trois chaque matin heureux de prendre le camion pour retourner « au théâtre », selon la dénomination choisie par Léa et Romain – Thomas, qui ne parle pas, suivait avec le sourire.

Seconde satisfaction : une réelle communauté d’expérience, sensible, humaine et créatrice, s’est créée et affinée au fil des jours, entre les artistes du collectif, les personnes avec TSA participant à l’atelier, et leurs accompagnants. Éprouver, partager, créer : de ces trois mots, le troisième est sans doute le moins important, pour nous qui partageons la vie de personnes avec TSA. Le plus important, pour ces personnes, pour leur épanouissement et leur bien-être, est d’accepter les sensations esthétiques, de ne pas les rejeter mais d’y prendre plaisir, de s’appuyer dessus pour déployer leur vitalité, et ainsi s’ouvrir à l’autre, tisser des relations sources de joie et d’initiatives. C’est exactement ce qui a eu lieu pendant l’atelier, de manière spectaculaire lors de certaines sessions de « création » collective. Il fallait entendre Léa improviser des vocalises, jouer longuement avec sa propre voix qui lui revenait grâce aux boucles sonores créées en direct par Mathias et Bertrand, voir et partager sa joie à le faire. Ou Romain improvise une sorte de slam onomatopéique sur les rythmiques électroniques. Thomas, lui, traversait l’espace visuel et sonore en jouant avec ses cintres, avec sa nonchalance et sa sérénité habituelles, apportant sa touche chorégraphique à l’ensemble de la proposition improvisée. Éprouver, partager : il fut particulièrement satisfaisant, pour nous qui les accompagnons au quotidien, de constater à quel point, au de sein de cette communauté esthétique, la rencontre fut aisée pour Léa, Romain et Thomas, comme si le milieu créé entre les personnes, les sons, les gestes, les images, avait augmenté, ne serait-ce que par moments, leur capacité à accepter l’invitation à partager, échanger – des gestes, des mouvements, des rythmes, des sons, des émotions.

Ces rencontres, partages, initiatives, ont été rendu possibles par la production, par la communauté en acte, d’un milieu à la fois enveloppant et souple, invitant mais non contraignant. Fernand Deligny l’avait formulé avec insistance : ce dont ont besoin les personnes avec TSA pour trouver une forme de bien-être et déployer leur vitalité singulière, c’est d’un milieu capable de ne pas projeter sur eux les attentes normalisées d’une société régie par les lois de l’efficacité et du rendement, mais au contraire d’accueillir les singularités de leur mode d’être ; de se mettre à leur écoute et à leur école pour apprendre à se défaire de ces
mêmes attentes ; de s’ouvrir ainsi à d’autres temporalités et logiques du sensible, d’autres modalités du faire et de l’échange. A plusieurs reprises au fil des cinq jours, quelque chose a pris, s’est imposée à tous l’existence d’un tel milieu. Existence d’autant plus précieuse et émouvante qu’éphémère.

C’est sans doute à cet endroit que des difficultés ont pu apparaître, qu’à pu se découvrir une marge de recherche, de progression pour les sessions à venir : comment, en tant qu’artistes, mais aussi en tant que personnes accompagnant des personnes avec TSA dans ce genre d’expérience de création partagée, se détacher de nos critères et attentes en termes d’efficacité, de productivité. Comment, par ce détachement, par la mise en commun des modes d’être qu’il permet, se déplacer ensemble sur un autre terrain de jeu et d’expérience réellement inconnu, insolite.

En somme, l’exercice fut à nos yeux des plus profitables. Les pistes de travail et de recherche esquissées lors de ces cinq jours rendent la poursuite de ce projet des plus nécessaires. Grâce au partage d’expérience a posteriori initié par les porteurs du projet, nous avons déjà commencé à identifier les directions de travail afin d’améliorer le dispositif et nous permettre d’ affiner les outils de création collective.

Nous, responsables du Lieu de Vie Tentative, qui partageons le quotidien de jeunes adultes autistes, sommes convaincus de la fécondité d’une telle recherche non seulement pour le bien-être et l’inclusion des personnes porteuses de TSA dans la vie la plus riche et épanouissante possible, mais aussi pour une compréhension toujours plus fine du mode d’être qu’est l’autisme, évidente condition d’une amélioration des pratiques d’aide et d’accueil de ces personnes.